AUSCHWITZ, L'IMPOSSIBLE REGARD
La particularité de ce livre par rapport aux innombrables ouvrages qui ont traité de cette question,
c’est sa thèse même: Auschwitz est comme un trou dans notre histoire, il est même au-delà d’une
tragédie, si l’on donne à ce terme les connotations nobles et élevées qu’on lui associe d’ordinaire. Il
s’agit non de le « digérer » en en tirant les leçons, mais au contraire de le considérer comme
indépassable. Dès lors la question devient: dans quel espace pouvons-nous vivre si nous acceptons de
« vivre dans la catastrophe »?
Le livre passe en revue les catégories devenues classiques pour analyser la Shoah: banalité du mal,
rationalité de l’extermination, eugénisme… Il les critique toutes. Il ne les récuse pas, mais s’efforce
simplement d’en montrer respectueusement les limites. Mais il ne s’en tient pas à cet examen
critique: la Shoah, par son existence même, récuse a posteriori certains dogmes de la tradition
philosophique et politique occidentale: par exemple la représentation de l’homme comme un « animal
raisonnable » et l’opposition entre cette rationalité et ses passions qu’il faudrait maîtriser et dompter
l’accusé fait preuve).Mais si nos certitudes ont été ainsi ébranlées, dans quelle « maison » pouvons-nous
désormais vivre? C’est, selon l’auteur, la question du poète Paul Celan. La « cabane » dans
laquelle nous vivrons désormais ne peut plus annuler notre exil.